Business Immo : Quel est le modèle développé par Groupe Foncier de France pour répondre aux boins d’hébergement d’urgence ?
Odin Lemaitre : Groupe Foncier de France est spécialisé dans la location de logements aux associations reconnues d’utilité publique, financé par l’État. Nous louons aussi bien des appartements et des maisons, que des immeubles collectifs allant jusqu’aux hôtels. Nous comptons parmi nos partenaires associatifs la Croix-Rouge française, France terre d’asile, Alteralia, Coallia, Emmaüs. Pour faire face à la crise sanitaire, le gouvernement a déployé un dispositif d’hébergement sans précédent. Au 18 mai 2020, près de 12 600 places d’hôtel étaient mobilisées pour héberger les personnes à la rue. Au 1er juin 2021, le ministère du Logement a confirmé avoir « pérennisé » les places créées depuis un an « jusqu’à la fin du mois de mars 2022 » au minimum. Nous avons donc été sollicités par nos partenaires associatifs ainsi que les services de l’État, les départements et les régions pour rechercher des hôteliers susceptibles d’être intéressés à louer la totalité de leurs hôtels à une association cherchant à loger les populations fragiles, que la crise sanitaire a malheureusement fait croître de manière significative.
BI : Quelle est la proposition de valeur que vous portez sur le marché hôtelier ?
OL : Le nombre de demandes en hébergement d’urgence a considérablement augmenté. Nous avons d’ailleurs observé les mêmes besoins sur nos établissements de Paris, Lyon et Marseille. Or, le tourisme est à l’arrêt en raison de la pandémie. L’hébergement d’urgence peut cependant offrir aux hôteliers affectés par la crise sanitaire un revenu garanti par l’État avec de solides garanties, par le biais de conventions d’occupation d’un an à deux ans reconductibles. Nous nous occupons de la gestion de ces actifs et, en retour, ils profitent d’une garantie de visibilité sur la totalité de leur immeuble, un avantage indéniable. D’un côté, les associations ont des budgets financés par l’État, alors que de l’autre, les hôteliers souhaitent rentabiliser leur investissement malgré le manque de visiteurs. Notre mission est de relier entre eux ces acteurs pour trouver une solution gagnant-gagnant.
BI : Quelle est votre feuille de route pour le déploiement de cette offre ?
OL : Pour le moment, nous travaillons à flux tendu. Nous comptons une quinzaine d’hôtels en Île-de-France, cinq sur Marseille et nous en recherchons encore. Nous nous adressons en particulier à tous les hôteliers qui ont des difficultés financières et qui sont en mesure de proposer des espaces de qualité ainsi qu’une bonne offre servicielle, notamment des douches et des toilettes à l’intérieur des chambres. Nous visons également des appart’ hôtels puisque nos bénéficiaires peuvent aussi être des familles. Nous signons des conventions d’occupation d’un à deux ans. Les hôteliers espèrent qu’ici à deux ans, le tourisme reprendra.
BI : Comment rassurez-vous les propriétaires qui s’engagent à louer à des associations, mais qui sont d’abord sceptiques ?
OL : En effet, nous rencontrons des a priori de la part des propriétaires-bailleurs et hôteliers lors des premiers échanges. Mais dès lors que nous présentons les dispositifs d’hébergement et d’accompagnement des personnes logées aux propriétaires, ceux-ci sont rassurés. En termes de garantie, les associations sont financées par l’État, ce qui induit que le loyer sera automatiquement versé. Par ailleurs, chaque association bénéficie d’un service technique, avec des salariés chargés des aspects techniques et de la bonne gestion des logements. Des équipes de travailleurs sociaux, animateurs, éducateurs, assistantes sociales, psychologues, accompagnent par ailleurs les familles au quotidien.
La misère n’est pas corrélée avec l’irrespect, et on ne mesure pas la richesse d’un homme à la taille de son portefeuille. Nous avons à cœur de tisser des liens, développer une cohésion sociale et de la bienveillance de la part de chacun. Parfois nous organisons des pots d’accueil afin de faire rencontrer les propriétaires, les travailleurs sociaux ainsi que les personnes hébergées. L’hôtelier change sa population, mais le cœur de son métier reste inchangé. La cohésion sociale se perd de plus en plus avec la crise, le numérique… Aujourd’hui plus que jamais, nous nous devons tous de développer le lien social.